Buenos Aires

Biblio (46) Le manuel d’urbanisme pour les quartiers précaires

Biblio 46 manual asentamientos precarios

Le titre est en soi même un paradoxe qui serait cher a G.K . Chesterton, et d’avantage encore si l’on change le dernier mot par ce qu’il veut vraiment dire ; c’est un manuel d’urbanisme pour faire des lotissements illégaux. L’urbanisme est né pour faire possible un cadre de vie de qualité pour l’ensemble de la population. Et c’est bien a cause de ceci que ce livre est a la fois une aberration et un besoin total, dépendant du juge.

Le manuel apparait en Argentine, un pays qui n’est pas pourtant le plus mal loti en la matière en Amérique Latine ; c’est peut être l’une des raisons pour qu’une équipe de la Faculté d’Architecture, Design et Urbanisme de l’Université de Buenos Aires dirigée par Viviana Asrilant, en face des problèmes rencontrés depuis des décennies pour résoudre cette situation,  puisse se demander sur le bienfondé d’une telle initiative. Apparemment la publication a eu des aides du Ministère de l’Education Publique.

Le manuel est structuré suivant cet index, qui semble considérer comme une donnée de base l’existence d’un groupe organisé de futurs habitants :

1-        A qui sert ce manuel

2-        Comment construire mon quartier

3-        Comment légaliser mon quartier. Voie légale vers la régularisation des domaines.

4-        Chemins pour accéder au logement.

5-        L’organisation et la dynamique de groupe

6-        Annexes.

En apparence (je ne connais pas les lois argentines pour pouvoir juger en détail) il y une approximation sérieuse des options en chaque cas, y compris les indications sur l’illégalité de certaines actions.

Je ne crois pas que celle-ci soit une solution pour ces problèmes  ; je ne crois pas que l’illégalité et les conflits avec la propriété soient une bonne voie nulle part. Confronter les consequences de l’illegalité peut etre bien plus dur pour soi même et sa famille que ça peut en avoir l’air. Ce manuel est probablement plus proche de l’idée d’urbanisme open- source (ou le manuel du hacker) que nombre de produits européens et  d’Amérique du Nord. Et un produit open source ouvre un champs, mais ne le fait pas moins complexe malgre l’apparence.

Cette publication pose aussi une question additionnelle, surtout après deux semaines parlant de quelque chose d’aussi simple en apparence, mais si complexe, comme montre le manuel, que les rues et leur conception et exécution. Aujourd’hui il y a un certain engouement au niveau mondial pour ce genre de quartiers parmi les urbanistes et autres spécialistes, parfois avec une fascination qui semble plus esthétique que le résultat de l’expérience vitale en ces conditions. Et s’il est intéressant de voir comment marchent les programmes pour résoudre ces problèmes dans des villes qui semblent avoir un succès, comme Medellin ou Rio de Janeiro, il est peut être encore plus intéressant de voir comment les choses ont été faites dans les pays ou elle est sensée l’être avec le passage des décennies.  Parce que pour chaque favela ou slum africain il y a eu possiblement un poblado chabolista dans l’Espagne d’après la guerre civile, une Hooverville pendant la grande depression americaine, un bidonville français pendant les trente glorieuses ou autres exemples dans des pays plus avancés.

Madrid- Buenos Aires (5)

Deux projets urbains avec histoire, qui montrent la complexité de passer des idées a l’action dans une ville.

Zuazo-Jansen

 

A Madrid, en 1929 Secundino Zuazo et Herman Jansen gagnent le concours pour l’extension de la Castellana (grand axe nord-sud actuel). Pendant les années qui précédent la guerre civile 1936-1939 le projet n’arrive pas a se développer, et plus tard il y aura des développements partiels qui n’auront pas grande chose a voir avec l’idée originale, de AZCA (déjà pensée par le Plan Bidagor de 1946) jusque aux tours inclinées de la Plaza de Castilla. Il y a un bon article de Carlos Sambricio sur le projet Zuazo- Jansen.

Elevateurs de céréales a Puerto Madero

Elevateurs de céréales a Puerto Madero

Le projet de Le Corbusier

Le projet de Le Corbusier

La nuit de Buenos Aires depuis le Rio de la Plata, avec le projet de Le Corbusier

La nuit de Buenos Aires depuis le Rio de la Plata, avec le projet de Le Corbusier

 

Le Corbusier visite Buenos Aires en 1929 et dessine des premières ébauches d’une approximation de la ville au Rio dela Plata, transformant Puerto Madero, un ensemble de docks dans la zone central, en un espace marqué par ses gratte-ciels « cartésiens » (il faut avouer que la lecture des voyages de Le Corbusier rappelle les campagnes de Napoléon…). Le projet est développée plus tard a Paris en 1937-1938, et il y a même une tentative avortée de développement par le gouvernement de la ville en 1947-1949. Le travail avec un ensemble d’architectes argentins (décrit dans « La Red Austral, obras y proyectos de Le Corbusier y sus discípulos en Argentina », par Liernur et Pschepiurca) fut essentiel pour développer ce travail, même s’il n’aboutit pas. Sous la présidence de Carlos Menem pendant la décennie de 1990 l’idée est reprise ; Puerto Madero est devenu un nouvel espace de centralité, mais on peut supposer que Le Corbusier râlerait, comme a New York, contre la petitesse (en plan) des gratte-ciels. Il y a un article d’intérêt de Juan Manuel Borthagaray sur le procès, tout comme le site de la Corporación.

Puerto Madero, tel que construit

Puerto Madero, tel que construit

Madrid, Buenos Aires (4)

Retiro-Retiro

Un quartier élégant este général un espace ou l’architecture a pu se développer avec un plus grand raffinement avec le temps parce que, simplement, ses habitants ont eu l’argent pour se payer des bâtiments meilleurs et ils les ont conservés. Il parait que Gangnam-gu est l’un des quartiers plus riches de Seoul, mais étant donné que la ville fut détruite presque entièrement par la guerre de Corée, il faudra surement un temps pour qu’une architecture comparable se configure (mais ils ont une chanson…)

Le quartier de Retiro a Buenos Aires (un peu au nord de la Plaza de Mayo) et le quartier de Salamanca a Madrid (au nord du parc du Retiro) ont été construits pendant le XIXème siècle.

A Madrid le quartier de Salamanca, conçu avec la volonté d’orienter l’ensemble de la croissance urbaine, est tout comme l’ensanche de Barcelona (projet qui coïncide dans le temps) une tentative d’utiliser la grille comme loi directrice. Il est devenu finalement le quartier le plus exclusif car ceux qui avaient moins de ressources avaient des opportunités moins chères hors de la ville réglementée. Et il reste un espace très coté, quoiqu’extrêmement dense, car comme a Barcelone les normes d’origine sur les bâtiments se sont vues substituées par d’autres plus favorables a la spéculation. En tout cas, il y a encore deux ilots a l’est de la plaza de Colon ou l’on peut apprécier la configuration originalement prévue avec des cours centrales, plus tard oubliées.

A Buenos Aires le quartier de Retiro ne montre pas une volonté spéciale dans son tracé ou projet. Comment se différencier en tant que grille dans une ville qui est une grille ? En fait, il est surprenant de voir que sa configuration est moins régulière que celle du Ensanche de Madrid (lui aussi adaptée aux préexistences). Le quartier apparait quand les habitants plus riches cherchent un nouvel espace après l’épidémie de fièvre jaune de 1871 ; Paris est le modèle pour l’architecture d’un quartier construit quand l’Argentine, en tant que grande puissance agraire, se présente comme un pays émergent. Des la décennie de 1930 c’est un point d’entrée de l’architecture moderne.

Avenida Córdoba, a Buenos Aires. Image de Panoramio par Franciscovies

Madrid, Buenos Aires (3)

Surface des parcelles du centre historique de Madrid (gauche) et du quartier de San Telmo a Buenos Aires

Surface des parcelles en m2 du centre historique de Madrid (gauche) et du quartier de San Telmo a Buenos Aires

 

C’est quoi, un centre ancien ? pour commencer, un endroit ou le tracé urbain et le parcellaire sont anciens ; les bâtiments sont rénovés et changent plus vite que ce que l’on pense, et sauf exception même les plus médiévales ont une partie importante de ses bâtiments avec moins de 200 ans.  Normalement ce sont des endroits ou le parcellaire est plus réduit en taille, car les moyens techniques et financiers pour construire des logements étaient il y quelques siècles plus limités.

C’est intéressant de voir que le « grain » (relation de taille entre parcelles) du centre historique de Madrid et du quartier de San Telmo, l’une des parties les plus anciennes de Buenos Aires, est similaire. La trame est totalement différente en ce qui concerne la structure, avec un tracé organique a Madrid sur lequel sont disposée des essaies d’espaces réguliers d’époques différentes, comme la Plaza Mayor, dont la construction commence en 1576 (presque en même temps que la seconde fondation de Buenos Aires)

Le centre de Madrid a plus d’espaces de cérémonie que celui de Buenos Aires, qui compense par un réseau plus puissant de grandes avenues (comme celle de Mayo, qui relie le dôme du Congres a la Casa Rosada) et la proximité du Río de la Plata (qui malheureusement n’est pas visible du centre urbain)

Plaza Mayor in Madrid

Plaza Mayor a Madrid

Detail de la façade de la Casa de la Panadería a Madrid, apres sa restauration pendant la derniere decennie (a droite sur l'image superieure)

Detail de la façade de la Casa de la Panadería a Madrid, apres sa restauration pendant la derniere decennie (a droite sur l’image superieure)

Espacio Artes y Oficios dans le cloitre du convent de San Francisco, dans le quartier de San Telmo a Buenos Aires. Image de gsonzogni sur panoramio

Madrid, Buenos Aires (2)

plazas oriente-mayoTrouver deux espaces comparables dans deux villes differentes et distantes n’est pas une tache facile. Les espaces du pouvoir repondent specialement a cette condition; je ne sais pas comment sont les espaces qui entourent les capitoles des 50 etats des U.S.A., mais je suis sur que, malgre l’apparence presque identique de tous ces batiments, leur position urbaine est differente (wikipedia indique aussi que sept d’entre eux n’ont même pas de dôme…).

Au cas de Buenos Aires et de Madrid, prenons deux espaces representatifs: la Plaza de Mayo sur la premiere, la Plaza de Oriente pour Madrid.

La Plaza de Oriente est un espace conçu pendant le court passage au trone de José I Bonaparte, creant un espace urbain soumis au Palais Royal de Sabatini. Si ce dernier est sans doute un batiment de grande qualité et presence urbaine, les architectures et le tracé de la place sont un exemple d’uniformité, mais elles ne sont pas a la hauteur du Palais; le Teatro Real est sans dout un batiment historique avec des valeurs, mais pas a la hauteur de celles du batiment de Sabatini. Les arbes apportent une importante barriere visuelle, brisé en faveur du Palais par la calle Bailén, avec des belles vues sur l’entourage; les denivellements y contribuent.

plaza oriente

La Plaza de Mayo est l’evolution de la Plaza Mayor conçue en 1580 par Juan de Garay, fondateur de Buenos Aires, avec une forme de rectangle de 100×100 m. Des le debut ce qui est aujourd’hui la Casa Rosada (siege de la présidence de la Republique) est un lieu de pouvoir de la colonie. La place a evolué et devenue parc au cours du XIXeme siecle. La Casa Rosada est un batiment qui trouve ses origines dans le fort original sur l’avenida Ribadavia, a coté duquel est construite en 1853 la maison des postes. En 1886 l’architecte Tamburini se voit confier le projet d’union entre les deux batiments, et depuis il y a eu plusieurs aditions, avec un resultat eclectique. La Cathedrale Metropolitaine, a l’Ouest sur la place, configure une grande façade neoclasique avec un fronton imposant, avec une integration dans la place qui compte avec un espac libre de moindre dimension a l’est sur sa même parcelle pour aporter l’image de temple isolé; conçue en 1745 et finalisée vers 1836, sa presence sur la place est presque plus importante que celle de la Casa Rosada elle même.

Biblio (28) Le conte de deux cités

Madrid-BsAs

J’ai pleine conscience du fait que Charles Dickens a conçu en 1859 son ouvrage « Le conte des deux cités » pour raconter l’évolution en parallèle de Londres et Paris sous la révolution française. Mais le titre semble trop intéressant ne pas l’utiliser pour parler de deux villes très différentes et a la fois très proches, Madrid et Buenos Aires.

J’habite la première depuis plus de dix ans, mais je n’ai jamais visité la deuxième.  Mais ayant vécu en Galice 30 ans, Buenos Aires a été une présence constante, j’imagine que la même que New York pour un irlandais.

Apparemment Benjamin Disraeli, premier ministre de la Reine Victoria, disait qu’il y a trois formes de mensonge : mensonge, maudits mensonges, et statistiques. Avec cette prudence, et tenant compte qu’il y a toujours des sources alternatives, les annuaires statistiques des deux villes semblent une voie d’approche aux réalités de ces deux villes.

L’Annuaire publié para la Ville de Madrid en décembre 2012 comprend des aspects socioéconomiques et environnementaux.

L’Annuaire publié par la Ville de Buenos Aires en 2011 comprend des aspects similaires, ce qui facilite la comparaison

Dans les deux cas, les statistiques générales parlent de villes très touchées par les crises économiques : celle du début de la décennie passée a Buenos Aires, celle qui a commencé en 2007 a Madrid.

Buenos Aires (2010)

2,89 millions d’habitants

13,2% de non natifs

4,5 par mille, croissance annuelle de la population

16% population de plus de 65 ans

24.354 logements informels

29,5% population avec des revenus inferieurs a la corbeille de consommation

Madrid (2010-2011)

3,23 millions d’habitants

15,4% d’étrangers

19,36% population de plus de 65 ans

12.109 euros de revenu moyen par personne

5% population qui ne peut maintenir son logement a la température adéquate

13,5% population en risque de pauvreté

Urbanisme et nourriture (5) Buenos Aires

Distribution de l'agriculture des familles et autres dans l'agglomeration de Buenos Aires

Distribution de l’agriculture des familles et autres dans l’agglomeration de Buenos Aires

L’article Agricultura familiar periurbana y ordenamiento territorial en el Área Metropolitana de Buenos Aires. Un análisis diacrónico, publié sur la revue Geografía y sistemas de información geográfica (GEOSIG) de l’Universidad Nacional de Luján, analyse l’evolution de l’agriculture dans le periurbain de la capitale argentine.

Les dernieres decennies one eté marquées par une population metropolitaine croissant, et une progressive reduction de la part des petits exploitants agricoles, au benefice des grands exploitants. Les auteurs trouvent les raisons de ces mutations aussi bien dans les politiques economiques d’etat que dans une legislation d’urbanisme qui est axée sur la regulation des tissus urbains (et, fait curieux, sur les lotissements fermés entre toutes les thematiques possibles) mais n’a pas etabli une vision integrale du territoire prenant compte de l’ensemble de ses valeurs, entre autres la productivité agricole.

Autoroutes urbaines (7). Buenos Aires

Le Grand Buenos Aires, avec plus de 13 millions d’habitants, est la deuxième plus grande aire métropolitaine du monde hispanique et, malgré les malheureuses crises, l’un des principaux pôles économiques d’Amérique Latine.

D’accord avec la publication « Desarrollo urbano y movilidad en América Latina” (developement urbain et mobilité en Amerique Latine) publié par la Corporacion Andina de Fomento en 2011, la mobilité dans cette aire métropolitaine peut être caractérisée par :

  • Les transports en commun sont passées de 67% des voyages en 1972 a 40% en 2007
  • Absence d’améliorations structurelle des transports en commun pendant les dernières décennies.
  • Mise en concours récente de plusieurs projets qui n’arrivent pas a se concrétiser.
  • Vitesse réduite des bus
  • Echec des projets de voies réservées pour bus.
  • Mauvais etat des gares de transport en commun.
  • Difficultés de concertation interadministative pour la définition d’une planification unifiée du système de transport.

L’idee de creer un réseau d’autoroutes urbaines a Buenos Aires date de la decenie 1960, quand la congestion des voiries commence a etre importante. En 1978 un appel d’offres international pour la construction de deux autoroutes a peage est lance. Son ouverture en 1980 coincide avec une periode d’hiperinflation et instabilité politique (la fin de la dictature est proche), et comence un cycle de creation d’infrastructures en concession qui, de par les difficultés economiques, sont recuperées par la ville. Autour de l’an 2000, la même histoire, cete fois avec la terrible crise de 2001 comme probleme majeur. La ville compte aujourd’hui 40 km d’autoroutes, en partie a peage. La dynamique socioeconomique du pays, qui a vu se reduire substantiellement ses classes moyennes en 40 ans, montre a quel point les politiques publique en matiere de mobilité, que ce soit d’un mode ou de l’autre, ont besoin d’une certaine stabilité pour se developper, car elles dependent de credits qui s’allongent sur plusieurs années.