Mois: avril 2012

Gouvernance des aires métropolitaines

Le dictionnaire de la Royale Académie Espagnole de la Langue définit la gouvernance comme “l’art ou manière de gouverner qui a pour but d’atteindre un développement économique, social et institutionnel durable, encouragent un sain équilibre entre l’état, la société civile et le marche de l’économie »

Les grandes aires métropolitaines sont un cas spécial d’analyse de la gouvernance. Elles sont souvent des espaces ou la présence d’une grande ville centrale implique une première division entre ses habitants et ceux du reste de l’aire. En plus, cette ville centrale a généralement une taille démographique et économique nettement supérieure a n’importe laquelle des municipalités environnantes, une base pour des relations entre administrations sur des rapports de force très asymétriques.

Paris est l’exemple le plus complexe en matière de gouvernance. La France conserve une administration locale tres morcelée, avec plus de 36.000 communes (l’Espagne, avec une surface similaire, dépasse a peine les 8.000) groupées en 101 départements (face a 50 provinces en Espagne).
La Région Ile de France comprend l’agglomération parisienne et des franges avec des qualités rurales. Elle dispose d’un instrument de planification régionale (le SDRIF) et une pratique courant de contrats intercommunaux de développement des grandes opérations d’urbanisme
Paris, avec 105 km2, constitue un département avec une seule municipalité divisée en 20 arrondissements.
Les parisiens votent 163 Conseillers de Paris, qui a leur tour désignent le Maire de Paris ; et les citoyens votent aussi les Conseillers d’arrondissement, qui a leur tour designent les 20 Maires d’Arrondissement (qui peuvent être d’un parti différent de celui du Maire de Paris). L’administration centrale de la ville a la plupart des compétences, y compris l’urbanisme, tandis que les administrations d’arrondissement son compétentes en matières plus locales, comme les équipements de quartier, et son consultées par l’administration centrale en ce qui les concerne. Au total, les parisiens votent 517 élus, y compris les deux niveaux et les 21 Maires.
La municipalité de Paris est de petite surface, la dernière annexion d’une commune voisine datant de 1860. La zone d’urbanisation dense s’étend au delà de ses limites, et comprend la presque totalité des trois départements de la petite couronne, qui comptent 4,3 millions d’habitants (presque le double que Paris). L’ensemble de ces quatre départements pèse pour un peu plus de la moitie des 12,1 millions d’habitants de l’agglomération parisienne.
Chaque département est divisé en municipalités. Ainsi, aux 21 maires de Paris il faut ajouter 123 maires supplémentaires, avec les attributions complètes du poste, quoiqu’en matière d’urbanisme les Schémas de Cohérence Territoriale et le Schéma Directeur Régional modulent leur autonomie. En plus, chaque département a sa propre administration avec des compétences et un budget qui lui appartiennent.
La grande complexité du système et l’initiative du Président Sarkozy de revitaliser le grand Paris (avec le précèdent pendant la présidence Mitterrand de l’initiative Banlieues 89)sont en partie la cause de la création de la Conférence Métropolitaine, un groupement volontiers de municipalités de cette zone dense et du reste de l’agglomération (y compris Paris). La Conférence a pour vocation de mener à moyen terme à une réorganisation de la gouvernance qui maintiendrait le découpage communal, conceptualisé comme une garantie de démocratie.

La ville de New York est dans l’état du même nom et sur la limite avec celui du New Jersey. La municipalité actuelle (1.214 km2) est crée en 1898 par l’union de Manhattan, premier comptoir hollandais, et quatre autres villes ; déjà a ce moment Brooklyn était une des villes les plus peuplées des Etats Unis. Les cinq districts ou Borough gardent une personnalité claire aujourd’hui ; ils ne sont pas des villes indépendantes, mais ont le caractère de comtés, et donc des cours de justice.
Le fait de composer une agglomération partagée sur trois états, avec des régimes légaux différents en matière de planification et sans une loi fédérale sur la question, pèse sur le fait de l’absence d’un plan opposable aux tiers sur l’ensemble de ce territoire. Pourtant, New York est le territoire d’une des premières expériences de planification régional au monde ; le Plan de 1929, développé par une association privée (RPA) et porté dans son développement par les grands agents économiques après la grande dépression, traça les grandes lignes du système de transports et des espaces publics actuels. Les révisions successives de ce plan ont eu un succès plus limité, mais restent des éléments de référence pour comprendre l’agglomération.
L’autorité portuaire de New York et New Jersey est le plus important organisme public en termes métropolitains, car elle gère aussi bien les services portuaires que des réseaux de transports en commun des deux cotés de la frontière entre les états.
Les newyorkais votent un Maire de New York, qui a des compétences globales sur l’ensemble de la ville. Ils votent aussi cinq Présidents de Borough, avec des compétences en matière d’urbanisme axées sur la production de rapports et d’avis d’approbation ou rejet des projets d’urbanisme ; ils nomment aussi la plupart des membres des conseils de participation (59 Community Boards dans l’ensemble), composées de membres non rémunérés et sans pouvoir de décision, mais avec des capacités de pétition et consultation. Parmi les élus par les citoyens il faut compter le Conseil de la Ville, avec 51 membres (un pour chaque circonscription urbaine), un Auditeur (City Comptroller), un Défenseur du Citoyen (Public Advocate) et cinq Procureurs de District (un pour chaque Borough).

La ville de Madrid présente des conditions de gouvernance bien moins complexes. La dernière annexion d’une municipalité voisine date de 1960, avec comme résultat une municipalité de plus de 600 km2 et la moitie de la population métropolitaine.
La Région de Madrid intègre avec la ville 178 municipalités supplémentaires. L’agglomération fonctionnelle ne coïncide pas avec la limite régionale, débordant vers les régions limitrophes, avec des zones nettement rurales dans la Région. Malgré l’existence pendant le franquisme de plans métropolitains, et malgré les tentatives de la décennie 1990 et les provisions en ce sens de la législation régionale d’urbanisme, il n’y a pas un Schéma Directeur. Il n’y a pas non plus un gouvernement métropolitain, mais si des accords pour des questions de services. Le Consorcio de Transportes de Madrid est l’entité de référence en matière de déplacements urbains, intégrant les différentes entreprises publiques et privées du secteur.
Les madrilènes votent sur une seule circonscription des listes fermées par les partis politiques, pour obtenir 57 conseillers municipaux repartis de manière proportionnelle ; ces conseillers désignent un Maire (une femme actuellement). L’administration quotidienne est assumée par la Junta de Gobierno, un groupe de huit membres désignés librement par le Maire.
La municipalité est divisée en 21 districts. Le Maire désigne un Conseiller Président pour chaque district, sans besoin de tenir compte des résultats électoraux dans celui-ci ; le gagnant des élections gagne sur l’ensemble de l’administration municipale. En termes quotidiens, le rôle de l’opposition municipale est limité au contrôle du gouvernement.

Le système parisien est critiqué par l’extraordinaire complexité administrative et la difficulté pour arriver a des consensus sur les grandes opérations ; en échange, les possibilités d’expression des volontés locales sont maximales, ce qui n’empêche pas de situation comme les émeutes de 2005.
Le système newyorkais est conditionné en termes métropolitains par les difficultés d’articulation de solutions touchant a trois états et les grandes différences en termes de qualité de vie entre les différentes zones de la ville ; il permet néanmoins une action relativement agile dans son territoire.
Le système madrilène est souvent critiqué par son caractère monolithique et peu représentatif des spécificités des quartiers, par faute des besoins d’équilibre présents dans des systèmes plus morcelés ; a surface semblable, les quatre départements centraux de la région parisienne comptent 144 maires, face a un seul a Madrid. En échange, la prise de décisions est relativement agile.

Grandes aires metropolitaines

Les grandes aires métropolitaines sont l’exemple de la plus grande complexité atteinte par le phénomène urbain. Quand les villes sont aussi les capitales politiques et/ou économiques d’un pays, leur fonctions sont encore plus complexes.

La concentration des infrastructures de voirie configure la couche la plus actuelle de la future configuration des espaces publics et de la visibilité quotidienne du paysage urbain, sans tenir compte de ses qualités. Si le transport public utilise souvent des tunnels, les autoroutes urbaines font la véritable face de la métropole.

L’intégration urbaine de ces systèmes de voirie peut se faire avec des degrés différents de succès. La récupération des voies sur berges a Paris au détriment du trafic semblent une solution simple ; la récupération du Manzanares a Madrid en enfouissant le trafic de la M30 suppose un cout très considérable, mais apportent un espace public de qualité au succès populaire indéniable. Les propositions du système de rocades maritimes de Mumbai sont, pour sa part, similaires en concept a la création de l’autoroute M30 a Madrid il y a 50 ans : déplacer le problème des infrastructures vers un domaine public, avec une solution des flux mais un fort impact en termes de paysage et nuisances.

La qualité urbaine de ces espaces vient aussi de sa capacité d’intégrer des espaces libres et éléments du paysage : fleuves, grands parcs, littoral, plages… la coexistence d’usages divers sur les éléments qui son de par leur nature une voie de circulation est l’une des principales questions.

La hiérarchie entre les parties de la ville est aussi une question importante dans les grandes métropoles. Le territoire n’est jamais isotrope, et même si la théorie de l’urbanisme cherche toujours des structures polycentriques qui peuvent parfois marcher, le plus commun est d’avoir un centre avec un poids très fort. L’expérience de beaucoup de villes américaines, ou ce centre s’est progressivement vidé de fonctions par leur expulsion vers la périphérie, montre que la qualité urbaine peut en pâtir si le centre n’arrive pas a tenir. Normalement les centres historiques, que cent ans auparavant était la plus grande partie de la ville, aujourd’hui ne représentent qu’une petite partie de sa population et une proportion qui maigrit des activités, mais jouent encore un fort rôle symbolique.

Les mutations du centre, même si celui maintient une forcé significative, peuvent avoir un effet négatif sur la population. Le caractère symbolique du centre peut augmenter la présence de grands équipements ou sièges sociaux, souvent au détriment des équipements et services de caractère local au service des habitants du quartier, qui peuvent voir des avantages a se délocaliser en banlieue.

Un premier article

J’habite dans une ville, je travaille sur plusieurs, et je m’intéresse a la ville comme objet de réflexion, que ce soit en elle-même ou dans sa relation avec le territoire dans lequel elle s’inscrit. J’habite en Espagne, un pays sous une forte crise en partie liée a une perte de perspective sur la nature et le rôle de la ville ; tout au long d’une décennie la ville a été vue non comme un outil pour une vie meilleure, mais comme l’échiquier d’un jeu économique, sous la confusion entre moyens et buts.
Entre les résultats de la crise il faut signaler une sensibilité croissante vers les problématiques urbaines. Certains cherchent les responsables de la crise par le jeu politique, ce qui m’intéresse en tant que citoyen, mais n’est pas l’objet de ces lignes. D’autres cherchent un changement de paradigme par une plus grande implication citoyenne, illustrant les habitants pour gagner leur engagement. Autrement, il serait naïf de penser que la ville ne concentrera plus des importants intérêts économiques, souvent légitimes, dont l’effective articulation sociale requiert aussi une réflexion, a l’heure ou la croissante (et parfois absurde) complexité de l’urbanisme réglementaire peut lui ôter sa légitimité comme instrument pour améliorer notre environnement vital.
Toutes les réflexions enrichissent le débat. Ce blog montre une perspective sur les villes et le territoire, comptant sur ses dynamiques de longue haleine: la relation avec le territoire, l’inertie de la forme urbaine, et les chances d’ améliorer l’efficacité de la ville en tant qu’instrument dont nous devons nous servir tous les jours.

Le blog sera organisé sur la comparaison entre problèmes semblables sur des contextes géographiques et sociaux différents. La comparaison est parfois appuyée sur mon expérience personnelle de voyage, et dans le reste des cas sur les données que la géographie apporte sous ses différentes faces. Le risque existe de ne pas correctement saisir certains contextes ; mais la chance existe également de trouver des éléments d’intérêt a des endroits inattendus.

A mode d’exemple, ce premier post est accompagné d’une série d’images de huit aires métropolitaines moyennes : ma ville natale (La Corogne), deux autres villes européennes, deux américaines, une africaine et deux asiatiques. Je ne connais personnellement que trois de ces villes, et le degré de profondeur de l’information disponible sur elles est variable.

Au delà de l’intérêt esthétique pour la géométrie du territoire et de la ville, duquel découle une faiblesse avouée pour les villes côtières, il y a des éléments d’intérêt dans toutes ces villes. Nantes est un exemple de recyclage urbain de grand intérêt, par exemple par rapport au projet de transformation du port intérieur de La Corogne. Portland se présente dans le contexte des Etats-Unis comme la ville la plus durable, et a cherche des moyens pour contrôler l’étalement urbain. Kochi est un exemple des difficultés des villes indiennes pour se doter d’une infrastructure moderne, mais aussi un miroir de ce qu’était l’Espagne à des moments précédents. Valparaiso montre une grande complexité, avec une ville historique vraiment singulière et la coexistence avec un grand centre balnéaire voisin. Bergen est l’une des villes les plus durables d’Europe, en partie grâce à une politique d’infrastructures très éloignée des usages courants ailleurs. Aomori se présente comme un exemple de « Finisterre » dans le contexte japonais, et l’arrivé récente du train a grande vitesse montre des parallèles avec cette situation dans des villes espagnoles. Port Elizabeth montre la complexité du contexte sud-africain et la ville a plusieurs vitesses.

L’approche par échelles successives permet une meilleure compression de certains problèmes. L’utilisation de fonds de cartes d’accès universel n’entrave pas l’explication, quoique dans certains cas des cartes plus élaborés seront utilisées.

Je suis urbaniste parce que je suis architecte, même si la causalité n’est pas obligé. En cohérence, dans chaque cas je veux mener le jeu d’échelles la ou il paraitra le plus intéressant, des 5 cm aux 1.000 km. Chaque question requiert une échelle ou une combinaison de plusieurs, et a coté des phénomènes sociaux, économiques et environnementaux il y a aussi une dimension esthétique et constructive de la ville.

Ce blog n’est pas une œuvre collective; je suis responsable des erreurs de forme ou de contenu. Je suis reconnaissant a mes lecteurs des observations qui m’aideront a corriger les erreurs.