Mois: mars 2015

Cartes 2015 (11) Vues du monde pendant la décennie 1940

L’histoire de Richard Edes Harrison est intéressante : un dessinateur qui devient cartographe pas en raison de connaissances en la matière, mais plutôt par sa capacité de synthétiser une information complexe pour les gens courants. A un moment (la deuxième guerre mondiale) ou l’aviation se présentait comme la technologie qui transformait la perception des distances, ses cartes présentaient au public des Etats- Unis des projections et perspectives qui, s’éloignant de la traditionnelle de Mercator, permettaient de mieux comprendre les évènements en cours.

Les articles de Timothy Barney et Kenneth Field sont illustratifs.

Catalyseurs du changement (10) Bidules

Quelque part dans l'ouest de l'Espagne: les arbres fruitiers en bas de l'image ont leurs tuyeaux d'irrigation en position bien visible.

Quelque part dans l’ouest de l’Espagne: les arbres fruitiers en bas de l’image ont leurs tuyeaux d’irrigation en position bien visible.

On pourrait dire que l’heure de l’extension du domaine de la lutte est arrivée : a un moment ou les frontières entre urbain et rural deviennent de plus en plus floues en termes de demandes sociales, au moins en Europe, certaines choses peuvent catalyser le changement dans les deux sphères.

Les lois européennes (et pas seulement les européennes, mais elles sont plus proches pour moi) instituent des droits des citoyens sans différences entre urbains et ruraux ; la citoyenneté, en dépit de son étymologie plutôt partisane en ce sens, est une seule. Mais la force des faits qui imposaient jusqu’ici les difficultés du transport et des communications impliquait des différences dans les aspirations des habitants des zones rurales, pour lesquels l’accès a certaines choses était presque impossible, et c’était accepté. Pendant les dernières décennies les habitants des zones rurales, en premier avec la motorisation, plus tard avec la télévision, et plus récemment avec internet, ont acquis des plus grandes chances d’accès a pas mal de services, mais il y a aussi eu une évolution de leur vision de la vie urbaine. C’est encore diffèrent de vivre dans un petit village de 250 habitants dont la moitié dépasse les 60 ans, mais certaines choses sont intégrées comme droits au même niveau dans les deux types de territoire. Et les modes de consommation tendent a se rapprocher au même rythme que baisse la population habitant les campagnes. Ceci est un catalyseur de changement territorial, que ce soit pour du bien ou pour du mal.

Dire que la campagne se technifie en recherchant des améliorations du rendement n’est acceptable que si l’on parle d’une perspective de millénaires ; l’amélioration du rendement a toujours été un but pour le cultivateur, malgré la vision bucolique qui ont certains urbains. Le bruit constant dans les « pays développées » sur le concept des villes intelligentes, avec des capteurs partout, semble parler de l’avenir, mais c’est assez proche de ce que l’on fait aujourd’hui dans des campagnes avec des systèmes d’irrigation sophistiqués. On a tous vu les grands cercles des systèmes d’irrigation par pivot, mais la micro-irrigation par goute a goute, moins impressionnant vu de l’air, implique une grande efficacité, et la possibilité de mécaniser les récoltes dans certains cas change pas mal de choses.

Ce n’est pas que les urbains se passionnent pour les sites web consacrées aux engins de culture, mais plutôt les échanges d’information entre les ruraux sur leurs outils de travail sont presque les mêmes qu’entre professionnels urbains. Quand les cultivateurs cherchent la façon de bricoler l’ordinateur de bord de leurs moissonneuses-batteuses, comme signale un article récent sur Wired, il y a un changement dans l’air. Je ne sais pas si cela peut influencer l’architecture et le paysage, mais il pourrait bien y avoir un impact.  Et ce n’est qu’un essai, réduit mais intéressant, sur ce qui vient avec les villes intelligentes : certes, gérer l’eau et l’électricité des machines agraires est un but limité, mais pas mal des initiatives « smart » que l’on présente ne vont pas bien au-delà de la gestion d’un nombre restreint de services…

Biblio (122) Le revenu personnel et sa distribution en Espagne, en France et aux Etats- Unis

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Apres avoir publié la carte sur l’inégalité en Espagne, a cause de certains commentaires il parait pertinent de montrer une vision comparative :

Espagne: Renta personal de los municipios españoles y su distribución, Miriam Hortas Rico et Jorge Onrubia Fernández, FEDEA, 2014. Appuyé sur des données de 2007

France: Les revenus et le patrimoine des menages, Cédric Houdré y Juliette Ponceau, edition 2014, INSEE. Données de 2011

Inegalités dans les etats européens, d'apres la publication de l'INSEE

Inegalités dans les etats européens, d’apres la publication de l’INSEE

Etats-Unis: State of Disparity, a Project looking at the economic disparity in CT, WSHU radio (fait du Connecticut, mais apportant une vision de l’ensemble du pays). Données de 2006 a 2010.

L’inegalité augmente, mais a chaque endroit d’une façon differente

Cartes 2015 (10) Inégalités de revenu personnel en Espagne

Fedea (Fundación de Estudios de Economía Aplicada) est une entité d’analyse économique financée par un large groupe de grandes entreprises espagnoles. En novembre 2014 elle a publié l’étude « Revenu personnel des municipalités espagnoles et sa distribution » (Miriam Hortas Rico et Jorge Onrubia Fernández). Le site web de Fedea intègre deux cartes ou il est possible de voir, par municipalités, le revenu et l’inégalité selon l’index de Gini (le plus proche a 1 est le plus inégal).  Les données d’origine sont les micro données sur l’Impôt du Revenu des Personnes Physiques en 2007, pour les 1.109 municipalités dépassant les 5.000 habitants, et le projet serait d’étendre la série dans le temps.

Carte originale de Fedea sur la distribution du revenu (accedez au hyperlien, vous pouvez faire zoom et obtenir des données en detail pour chaque municipalité sur le site original)

Carte originale de Fedea sur la distribution du revenu (accedez au hyperlien, vous pouvez faire zoom et obtenir des données en detail pour chaque municipalité sur le site original)

L’usage d’un gradient d’une même tonalité ne facilite pas la lecture ; le plus important dans la carte est, comme toujours, la donnée sous-jacente, mais je crois qu’il y a des façons plus claires d’exprimer le contenu, qui est préoccupant (il est bon de rappeler que ce sont des données de 2007, et la crise n’a rien fait pour ameliorer la situation). Et c’est ce que j’ai essayé, partant des données de base publiés sur le site web. Les cartes montrent des quintiles.

Revenu par personne, moyenne municipale. C'est clair, l'Ouest et le sud sont moins bien lotis.

Revenu par personne, moyenne municipale. C’est clair, l’Ouest et le sud sont moins bien lotis.

Gini par municipalité. La côte mediterranéene semble plus inegale; les banlieus sont apparament plus egalitaires (ce n'est qu'une premiere analyse regardant la carte).

Gini par municipalité. La côte mediterranéene semble plus inegale; les banlieus sont apparament plus egalitaires (ce n’est qu’une premiere analyse regardant la carte).

Part du revenu correspondant au 1% mieux loti. Dans la large majorité des municipalités ils sont en dessus de 10%, mais il y a quand même un nombre important de points rouges.

Part du revenu correspondant au 1% mieux loti. Dans la large majorité des municipalités ils sont en dessus de 10%, mais il y a quand même un nombre important de points rouges.

Catalyseurs du changement urbain (9) Communes

Les Communes peuvent être un puissant catalyseur du changement urbain… ou de l’inertie, en fonction de sa capacité de dynamisation du territoire. Ceci est assez lié aux comptes économiques… quelque chose d’intéressant cette année d’élections municipales en Espagne et en France. Aux Etats-Unis le système d’administration locale varie selon l’Etat, donc la seule comparaison fiable est entre Etats Européens et Etats des USA…

Ce qui suit est une analyse assez primaire d’après des données de l’Office Virtuel pour la coordination financière avec les entités locales (http://serviciosweb.meh.es/apps/EntidadesLocales/), qui regroupe les données de plus de 8.000 municipalités espagnoles et des Diputaciones et autres organes classées comme Entités Locales. Ce sont des données de comptabilité annuelle, dans une série entre 2003 et 2013 (dernière année disponible). Les chiffres sont en milliers d’euros courants pour chaque année (sans tenir compte de l’inflation). Pour ceux qui ne sont pas en Espagne, la plupart des investissements en urbanisme et logement pendant les dernières décennies sont privés ; l’administration locale obtient des ressources en la matière par voie fiscale et des cessions obligatoires par les aménageurs privés d’un pourcentage des droits de construction des opérations avec le foncier associé (la vente de ces parcelles est souvent la plupart du poste de vente de terrains).

Comme résultat de l’analyse, trois graphiques sur des matières liées a l’urbanisme et des aires en relation.

Recettes fiscales des entités locales espagnoles, en milliers d'euros, selection de postes

Recettes fiscales des entités locales espagnoles, en milliers d’euros, selection de postes

Recettes : les corporations locales ont atteint un maximum de recettes en 2009, et en 2013 elles étaient un peu en dessous du niveau de 2006. L’impôt sur les immeubles urbains (les données d’avant 2009 ne font pas la différence avec l’impôt sur les reste des biens immobiliers) passe de 15% des recettes en 2003 a 25% en 2013, tandis que les ventes de parcelles se sont réduites de 3,4% a 0,34 (en 2006 elles avaient atteint 6%). L’utilisation privative des domaines publics passe de 1,5% a 3,1%, comme montre bien la prolifération des terrasses de bars et restaurants, en partie a cause des lois contre le tabac. Et l’impôt sur la plus-value foncière n’est passé que de 2,9% a 3,6%, avec des oscillations plutôt réduites.

Investissement des entités locales espagnoles, selection de postes

Investissement des entités locales espagnoles, selection de postes

Investissement : l’investissement dans des nouvelles infrastructures et biens d’usage général était de près de 7% en 2003, tandis qu’en 2013 elle s’est réduit a 2,2%. L’investissement pour l’entretien de ces biens et infrastructures s’est réduit de 3,4 a 1,6% pendant la même période, et les investissements nouvelles et d’entretien pour le fonctionnement des services ont suivi une évolution semblable.

Investissement par poste dans les entités locales espagnoles, selection de postes.

Investissement par poste dans les entités locales espagnoles, selection de postes.

Investissements au détail : l’investissement réel (sans compter couts de personnel et autres éléments) des municipalités espagnoles a suivi une courbe plus complexe. Jusqu’en 2010 cet investissement réel représentait plus de 25% de dépenses, mais en 2013 elles sont descendues a 9,4%.  L’urbanisme et le logement sont restées autour d’un tiers de l’investissement réel total jusqu’en 2010, et depuis ils ont augmenté pour atteindre 44% en 2013, même si en valeur totale elles sont la moitié de la valeur de 2003. En comparaison, l’éducation (un poste ou le rôle de l’administration locale est réduit) est descendue de 4% a 3% de l’investissement réel, se réduisant a un tiers en valeur totale de la valeur de 2003.

Dans l’ensemble, l’évolution des recettes et dépenses a été relativement équilibrée (les chiffres additionnées pour la période montrent que les recettes ont été plus importantes que la depense), mais il y a eu des évolutions notables dans les poids relatifs.  Les ventes de foncier, liées indirectement a la bulle immobilière, se sont réduites substantiellement, tandis que la fiscalité du foncier a fortement augmenté. Les investissements en infrastructure nouvelle se sont réduits presque a la valeur des investissements de maintenance. L’investissement réel en logement et urbanisme a augmenté en proportion sur l’ensemble de l’investissement réel. Mais comme en valeur absolue ce poste s’est réduit fortement, aujourd’hui cet investissement couvre plutôt la résolution de déficits préalables.

Biblio (121) Séries longues des prix immobiliers en France

biblio121-series longues prix immo- Paris depuis 1200

Voici un ensemble de références d’intérêt sur les séries longues des prix immobiliers en France, pour 1936-2015 pour le pays entier et de 1200 a 2015 a Paris. Cette vision en séries longues n’est pas sans rappeler la base de séries longues qui appui les études sur le revenu de Pikety.

Les séries depuis 1200 pour Paris sont bien sur appuyées sur des méthodologies variables, avec une représentativité statistique plus faible. Elles montrent un comportement erratique, pour ne pas employer un autre adjectif, mais la réalité est parfois comme ça.

Cartes 2015 (9) Le fracking et la fièvre des hydrocarbures en Dakota du Nord

mapas 2015-9- Fracking dakota

Voici une carte préparée par Mason Inman qui est loin d’être claire de premier abord, mais qui est attirante du point de vue esthétique. Quand on augmente le zoom la question commence a être plus claire : extraire les hydrocarbures est possible par des tuyaux horizontaux, et ce sont les éléments les plus visibles de la carte. Chaque puits a des données. Le niveau d’exploitation du territoire est surprenant, on dirait une trame agraire.

Catalyseurs du changement urbain (8) Hériter

La carte de Texeira (1656) de Madrid. Une zone qui maintenant est nettement plus dense...

La carte de Texeira (1656) de Madrid. Une zone qui maintenant est nettement plus dense…

La transmission des propriétés par l’héritage peut contribuer a la forme de la ville et/ou a sa structure sociale. Certaines zones pavillonnaires peuvent se densifier au fil des années car le besoin de diviser les parcelles d’origine peut se poser pour diviser un héritage entre frères ; ça peut être un peu complexe avec des plans d’urbanisme qui limitent la division des parcelles. Quand on parle de l’héritage d’un appartement, sa subdivision peut être plus complexe (aménager une nouvelle cuisine ou salle de bain requiert normalement un raccordement aux réseaux du bâtiment qui est difficile a faire de façon indépendante). C’est une logique (la division) correspondant a une croissance démographique, et aussi a des zones périphériques (c’est plus rare en centre-ville).

Que se passet ’il quand les populations décroisent, comme dans certains pays de l’Europe ? bien sûr, nous avons des villes décroissantes, et on a aussi l’exemple de Detroit en Amérique. Même quand une ville perd des habitants il y a des chances qu’une demande d’espaces édifiés persiste, car elle pourrait être portée par des usages non résidentiels. Plusieurs cas de figure peuvent se produire :

  • Vous pouvez hériter la propriété de vos parent et vivre la ; c’est une situation somme tout assez traditionnelle historiquement, et il faut se rappeler que la croissance démographique fut plutôt faible pendant des longues périodes, ce qui explique la stabilité du tissu urbain de pas mal de villes jusque a la révolution industrielle.
  • Le bien peut rester sans habitants ; vous n’avez pas de clients, et la maison reste vide ; ce n’est pas un phénomène nouveau, mais il serait bien plus courant.
  • Même dans une ville décroissante, des frères et autre famille existent, donc vous pourriez tomber dans le piège des manques d’accord entre bénéficiaires ; et retour a la case précédente, le bien vide.

Dans l’ensemble, hériter dans une ville décroissante renforce la valeur d’usage du bien par rapport a la financière ; et on ne dort que dans un seul lit par nuit (normalement…), donc si la propriété héritée n’est pas adjacente a votre logement, il sera complexe d’utiliser les deux en même temps. Au sens contraire, hériter dans une ville en expansion peut accroitre la valeur financière par rapport a la valeur d’usage, mais on ne pourra profiter qu’a condition d’avoir d’autres propriétés (on a tendance a vouloir avoir au moins un lit a l’abri tous les soirs…) ou de pouvoir diviser le logement.

Voici un exemple de catalyseur du changement urbain réel, mais graduel. Sauf au cas d’une catastrophe les héritages se produisent de façon aléatoire, aussi bien spatialement que temporellement, quoique l’on peut supposer qu’un nouveau quartier peut remplacer sa population en 30 ou 40 ans après son ouverture, par vieillissement des habitants d’origine.

Biblio (120) Le quatrième paradigme de la science

Biblio 120

Et voilà, je vous balance un pavé de Microsoft, et c’est fait… Bon, ce n’est pas exactement ça. Les auteurs affirment que la science a évolué jusqu’ici grâce a trois paradigmes :

  • 1- Expérimentation
  • 2- Théorie (dès le XVIIème siècle)
  • 3- Calcul et simulation (dès la deuxième moitié du XXème siècle)

L’utilisation massive des grandes bases de données serait le quatrième paradigme.

Le fait que la publication soit de 2009 permet de la remettre en perspective.