Mois: février 2015

Catalyseurs du changement urbain (7) Peage urbain a Londres

Congestion Charge, le système de péage urbain de Londres, est l’un de ces rares exemples ou un politique montre son émerveillement devant une mesure qui marche mieux que prévu (tout du moins c’est ce qu’il a déclaré a la BBC).

On va récupérer ici l’un des arguments des profs d’économie urbaine : si un extraterrestre survolait la terre, il aurait des raisons de s’émerveiller par la gestion jusque a date récente des flux de véhicules ; on paie des péages pour utiliser des autoroutes qui la plupart du temps n’ont pas de bouchons, tandis que dans les grandes villes, embouteillés très couramment, se déplacer en voiture est gratuit. La rareté d’un bien (la fluidité) ne détermine pas son prix.

Cette première idée demande quelques nuances : depuis l’introduction des systèmes de régulation des parkings sur la voie publique comme les horodateurs, et des mesures (spécialement en Europe) de contrôle de la qualité de l’air, se déplacer dans les centres urbains reste relativement libre, mais se garer est devenu très cher. Ceci aide a l’amélioration de la qualité de l’air mais certains pensent que ça comporte une division sociale entre ceux qui ont les moyens de payer leur parking et ceux qui n’ont pas. Je ne crois pas que ce soit nécessairement ainsi car dans un système de transport urbain moyennement bien conçu le tarif est toujours compétitif avec le cout que comporte un véhicule. Bien sur, tout le monde a le droit de se sentir mieux dans sa voiture et de ne pas avoir a sentir la sueur des autres dans le métro, mais le transport en commun permet de s’affranchir de la recherche d’une place de parking et l’on peut faire plein de choses (même réfléchir) tandis que quelqu’un d’autre fixe son attention dans la conduite d’un véhicule. Je pense que c’est plutôt une question de choix sur les priorités de chacun pour son temps de déplacement, très long pour certains, et de sensations, mais les temps d’accès ne sont pas nécessairement allongés pour la plupart des voyages (sauf quand on fait beaucoup d’arrêts, mais le parking est aussi contraignant dans ces cas).

Apparemment le système a assez bien marché ; le tarif a servi pour renforcer les transports en commun, et réduire la pollution a des effets positifs pour la santé. Les citoyens, comme sur presque tout genre de question, sont divisés entre pour et contre. Les niveaux de trafic ont baissé de 10,2% en 10 ans, quoique les temps de parcours pour les conducteurs restent égaux.

Le plus intéressant d’une mesure qui dans le temps fut presque présenté comme une politique interventionniste de la gauche est qu’elle persiste malgré le virage électoral vers la droite, quoique l’extension ouest fût annulée, et des nouvelles restrictions sont annoncées pour 2020.

Mais peu de villes ont suivi l’exemple : la peur, souvent, de la perte du gouvernement.

Catalyseurs du changement urbain (4) Air conditionnée et façades : le problème du parapluie de Haussmann

aireacond

Quand le Baron Haussmann, une fois sans les vastes pouvoirs qu’il exerçait sur le Paris du second empire, écrit ses mémoires, il raconte que ce que Napoléon III voulait aux Halles était, simplement, faire un « grand parapluie » ; et je dis « simplement » car les travaux ont commencé avec une architecture classique en pierre assez critiqué, et l’image dont on se souvient, des pavillons en verre, résulte d’une « cure d’amaigrissement » du projet. Avec un grand parapluie, chaque marchand pouvais se passer d’avoir le sien les jours de pluie. Ce fut le chemin de pas mal de choses pendant ces deux derniers siècles : faire des « grands parapluies » communs, de telle sorte que l’on peut se passer du sien si l’on a pas envie, ou l’on manque les moyens : hôpitaux publics face aux médecins privés, écoles publiques face a l’éducation religieuse…

Buckminster Fuller a proposé en 1960 la construction d’un grand dôme sur le centre de Manhattan pour contrôler son climat, un projet jamais réalisé et dont les problèmes auraient surement été importants. Et a un moment donné on a lancé des systèmes de téléphonie portable directe par satellite pour parler de n’importe ou avec n’importe ou. Deux exemples d’idées non réalisés par son cout la première) ou au succès commercial limité (la deuxième) car parfois les systèmes plus simples s’imposent.

L’air conditionné est un exemple de ce genre de catalyseurs urbains au sens ascendant. On pourrait imaginer un dôme sur la ville, contrôlant le climat, et d’un autre coté il y a des zones sur lesquelles on installe de centrales de clim a l’échelle du quartier (au nord de l’Europe il y a mêmes des réseaux qui connectent les centrales de quartier, avec une haute performance énergétique). Mais sauf dans les régions au froid intense, ou le cout énergétique est très haut, ou la ou un propriétaire immobilier peut mieux gérer les couts avec un grand système, dans la plupart des zones du monde ou la chaleur est intense, le « trousseau » de la classe moyenne s’est élargi : des que l’on atteint un niveau de revenu on acheté bien sur sa bagnole, mais après (ou avant, ça dépend surement des endroits) arrive la clim.

Si l’on parle des pays comme les anglo-saxons, avec une importante proportion de logements individuels, ceci a peu d’impact sur le paysage urbain. Mais la ou le logement collectif est important, comme en Espagne ou en Chine, ou dans des villes très denses, on trouve un impact sur l’architecture. S’il est vrai que certains bâtiments de logement intègrent la climatisation sur les toits, ils sont peu nombreux, car le parc de logements a une longévité importante.

Souvent les règlements locaux interdisent de placer les unités de condensation de l’air conditionné en façade, mais c’est souvent la solution employée car c’est plus facile pour le technicien, les conduits sont moins chers et la machine marche mieux. Comme chaque propriétaire appelle un artisan a un moment diffèrent, et il utilise son propre critère, marque et modelé, l’architecture souffre. Certes, il y a des architectures quotidiennes dont les qualités préalables sont loin d’être évidentes, mais dans d’autres cas l’effet est pénible. Il faut toujours se rappeler que la qualité du paysage urbain n’est pas seulement dans les éléments sublimes, mais aussi dans le contrôle du chaos.

Compte tenu de la difficulté d’accéder a la façade et démonter les appareils, il n’est pas risqué de prévoir que pendant des années il y aura des appareils qui resteront en façade sans marcher. On peut même imaginer que dans 100 ans, même si le système en soi ne marche plus, certaines zones afficheront fièrement leur architecture « typique » du début du XXIème siècle avec leurs airs conditionnées comme marques d’authenticité

Cartes 2015 (6) Une carte mentale

mapa15feb-fr

… d’une partie des derniers articles et d’un échantillon des prochains. Comme j’avais avancé précédemment sur Catalyseurs du changement urbain (1), mon intérêt, au-delà de l’état actuel des villes, est dans les facteurs sou jacents de leurs évolutions. J’avais aussi indiqué mon intérêt pour le grain de la ville, donc la question de l’échelle est aussi pertinente. J’accepte vos suggestions.

Catalyseurs du changement urbain (5) Baies vitrées

miradores

Comment encourager depuis les Administrations l’usage d’une forme architecturale sans que pour autant ça comporte un cout pour le trésor publique ? En réduisant ses couts pour celui qui la produit. A un moment donné a Madrid on décide que la surface d’une baie vitrée est comptabilisée a 50% dans le total de la surface bâtie établie par les plans d’urbanisme pour chaque parcelle. C’est ainsi un espace plus rentable par rapport a d’autres m2 du bâtiment. Ce qui explique la profusion des baies vitrées dans l’architecture des deux décennies précédentes a Madrid.

Est-ce une solution architecturale meilleure ? plus élégante ? impossible de le savoir en termes abstraits, car ça dépend de chaque projet. Dans l’autre sens, il y a des villes comme Barcelone ou les baies vitrées sont a priori mal vues par le règlement depuis plus d’un siècle. C’est une question de sensibilité locale… A Barcelone la vision locale vient de l’entassement extrême de la population dans la vieille villa avant l’extension de Cerda au XIXème siècle, quand les pièces en porte-à-faux parfois recouvraient les rues. Je ne saurai pas indiquer la raison de l’attitude madrilène.

Biblio (117) Quatre cas d’étude sur l’agriculture urbaine

Biblio 117

Une étude de l’Unité de Développement et Résilience Urbaine de la Banque Mondiale d’après des cas a Bangalore (Inde), Accra (Ghana), Nairobi (Kenya) et Lima (Pérou). Apparemment l’agriculture urbaine permet la subsistance de la première vague de populations venues a la ville il y a déjà un temps ; elle est aussi comptabilisée par beaucoup avec d’autres emplois, même informels.  Ces agriculteurs urbains généralement possèdent les terres de culture, et le rapport voit en général des raisons pour être optimiste sur le développement de cette agriculture.

Cartes 2015 (5) En haut, en bas a Grenade

cat-gran-2

Le résultat d’une petite expérience avec les données du cadastre sur les volumes. Si c’est du bâti, ça doit être dessiné pour pouvoir exiger les impôts … et ces bases sont utilisables. En ce cas, autour de la cathédrale de Grenade, qui malgré son volume est considéré par le Cadastre comme un bâtiment d’un seul étage (même si la hauteur intérieure est assez haute). Sur la première image, ce qui est visible sur le sol. Sur la deuxième, les volumes complètement cachés (le rouge intense correspond a des bâtiments qui d’après la base de données, n’ont pas de cave). Sur ces images on ne voit pas les volumes en situation intermédiaire, c’est-à-dire, ceux dont le plancher de la pièce est sous le niveau de la rue mais son plafond est a un niveau supérieur, mais a moins d’un mètre (a voir sur un prochain billet, ce qui est intéressant sur une ville en pente comme Grenade…)

cat-gran-1

Catalyseurs du changement urbain (4) Volts? frigidaires? La vache!

Ancienne vacherie a Paris. Image prise du blog « Le pieton de Paris » (http://pietondeparis.canalblog.com/archives/2013/05/31/27298307.html), avec un bon article sur la matiere.

L’introduction des réfrigérateurs (ma grand-mère disait « frigidaire », question de génération…) en tant qu’appareil a usage courant a impliqué, parmi d’autres conséquences, l’évolution de la place des animaux en ville. Mon autre grand-mère avait encore dans la décennie 1970 des poules sous l’évier, dans son appartement au troisième étage, car pendant l’après-guerre civile espagnole c’était encore assez courant (pas mal des habitants urbains étaient encore fraichement arrivés des zones rurales, comme elle), et parce qu’elle n’avait pas de frigo a la maison et le commerce n’était pas encore en mesure de fournir une demande massive en viande. Pour être plus précis, a un moment donné ils ont acquis un frigo, mais les pannes de courant étaient encore bien trop fréquentes.

Ce qui nous mène a une question préalable: la diffusion de l’énergie électrique. La généralisation de l’électricité en ville a a peine plus d’un siècle, suite a une expansion graduelle: en premier l’éclairage, et après l’introduction d’autres appareils. Le revenu des ménages urbains a du s’accroitre pour permettre l’achat de nouveaux appareils, mais aussi pour supporter les réseaux de génération et de transport de courant dans leur amélioration en capacité et fiabilité.

Cette généralisation de l’électricité touche le lien entre animaux et humains dans les villes de plusieurs façons, et en Europe elle touche spécialement la production et distribution des produits laitiers. Depuis Pasteur on sait que le lait est un milieu idéal pour le développement des pathogènes, surtout quand le temps passe entre la traite et la consommation et si l’on ne contrôle pas la température, et donc jusque a la généralisation du chemin de fer la stratégie fut d’approcher la vache au citoyen. Des villes comme Madrid ou Paris avaient a la fin du XIXème siècle une grande quantité de vacheries, petits lieux d’élevage bovin pour produire et distribuer le lait aux populations urbaines, parfois dans les rez-de-chaussée ou les cours d’ilot dans des zones aujourd’hui bien cotées. Certains exemples comme les architectures en carrelage du temps de Louis Bonnier a Paris montrent une convergence avec l’expansion de l’hygiène urbaine au même temps.

L’amélioration aussi bien des chaines de transport comme de celles de réfrigération aussi bien du coté de l’offre (froid industriel) comme de celui de la demande (frigo pour chaque ménage) on réduit progressivement le besoin de vacheries près des ménages. Avec la montée en puissance de l’automobile et la disparition du cheval, voici l’une des évolutions les plus importantes. On peut bien se demander comment on ferait aujourd’hui pour garantir une qualité de la production laitière en ville avec la pollution, mais en tout cas ceci a aussi produit une évolution des campagnes : la production laitière n’était auparavant exportable que sous forme de fromage, et le nouveau contexte facilite une industrialisation des élevages et de l’ensemble de la filière.

Il serait intéressant de voir, avec le contexte relativement récent des grippes aviaires, comment évolue la relation entre humains et volaille dans les villes asiatiques, avec des fortes taux de croissance et démographique et économique et des infrastructures, pas si lointaines de celles de  l’Europe ou l’Amérique du Nord ‘il y a un siècle.

Biblio (116) Evolution des empreintes de l’approvisionnement alimentaire de Paris entre les XIXème et XXIème siècle

Chatzimpiros

Voici la thèse doctorale de Petros Chatzimpiros (ingénieur et spécialiste en environnement, actuellement professeur universitaire de Géographie), soutenue en juin 2011 devant l’Université Paris Est. L’auteur concentre son attention sur l’approvisionnement en viandes et lait.

La méthode d’analyse consiste en une étude d’empreinte spatiale, utilisation des eaux et flux d’azote. D’après les conclusions, depuis le début du XIXème siècle la surface de production s’est vue divisée par six pour des consommations similaires de viandes et lait a cause des améliorations dans la production, mais au cout de doubler la consommation d’eau et de multiplier par trois l’intensité d’usage des sols.

Tout comme Pikety s’est appuyé sur des longues séries de revenus, ici on utilise des longues séries de données environnementales et économiques.