Cet article entame une série sur les autoroutes urbaines. Le premier cas est celui de Madrid Rio, le projet d’intégration du tronçon fluvial de la rocade M30 a Madrid. Habitant a Madrid, j’ai suivi ce chantier en tant que citoyen. Ezquiaga Arquitectura, Sociedad y Territorio, l’agence a la quelle je suis associé, a réalisé une proposition sélectionnée pour le deuxième stade du concours d’aménagement du parc fluvial (indépendant et postérieur au projet des tunels), concours finalement gagné par Ginés Garrido/ West 8.

Madrid n’a pas été créé sur un grand fleuve, mais sur un petit affluent du Tage. Les sources de la Manzanares sont dans la Sierra de Guadarrama, a moins de 50 km au nord, et elle se verse sur le Jarama au sud de la ville. Aujourd’hui, en zone urbaine c’est un cours d’eau artificialisé; en amont de Madrid le barrage del Pardo permet d’avoir une totale régulation des débits, de telle sorte que le niveau du plan d’eau peut changer considérablement entre deux visites ou même entre deux tronçons séparés par des écluses. La coupe transversale montre sur la totalité des berges de la M30 des aménagements avec des murs verticaux en béton armé.

Jusque a la forte expansion urbaine de Madrid dans l’après guerre civile la Manzanares est une limite entre ville (qui par endroits n’arrive pas jusque aux berges) et campagne. L’importante croissance qui s’est produit depuis cette époque sur la rive droite n’a pas évité le maintien d’un rôle de limite, cette fois sociale, entre la ville centrale et des zones qui ont accueilli les populations rurales avec les revenus les plus modestes (Carabanchel, Orcasitas, Aluche…). Ces territoires sont annexés a la municipalité de Madrid peu de temps après. Sauf pour une partie limité au nord, ou la corniche du Palais Royal est visible, et quelques endroits ou la transformation des coulées ferroviaires entamée pendant la décennie de 1980 a donnée des bons résultats, la plupart des bâtiments qui composent les façades urbaines de ce parcours sont d’une architecture peu mémorable.

La construction de l’autoroute urbaine M30 commence en 1970, avec des précédant dans des projets des années 1930. Les travaux finissent en 1974, avec des protestations des riverains par la distance très réduites a leurs logements.
Les prés de cinq kilomètres qui séparent la station de métro de Legazpi (3) de celle de Principe Pio (21) peuvent être parcourus en un peu plus d’une heure et demie (a condition de ne pas être dans la saison torride d’été) en empruntant le parc linéaire de la Manzanares. Ce parc fut créé après l’enfouissement de la rocade autoroutière M30 sur ce tronçon fluvial.

Le projet garde les cinq échangeurs avec les voiries qui se recordent a la rocade, dont deux sont des autoroutes nationales. Le parti de l’intégration par l’enfouissement total fut applique aussi au premier tronçon de l’autoroute A5 (Madrid- Lisbonne) (22), ce qui a permis d’améliorer spécialement la liaison pour les piétons entre le pole d’échanges de Principe Pio et la Casa de Campo, le grand parc de Madrid (comparable aux bois de Paris en taille et fonctions).
Le débat urbain sur l’opération s’est axé sur le haut cout de la solution enterré, qui pèsera sur la dette de la ville pendant des années, la faible concertation publique, et le manque d’une évaluation environnementale sous prétexte du caractère urbain de la voie après sa cession a la ville par l’état. Les travaux d’enfouissement ont été planifiés et exécutés en 2003-2007, et les espaces publics sur les tunnels entre 2007 et 2011. Le parc linéaire s’est avéré un succès de public sans discussion, au point d’avoir parfois des petits conflits d’usage entre vélos et piétons.

1- Place de Legazpi
Le trajet urbain commence au sud avec la Place de Legazpi (3), sur la rive gauche, qui a été longtemps le pole d’échange entre les bus vers les quartiers de la rive droite et le centre ville. A ce point la le parc qui résulte de l’enfouissement est aussi connecte a celui aménagé au sud quelques années auparavant d’âpres un projet de Ricardo Bofill. L’entourage de la Place de Legazpi garde encore les vestiges de son histoire marqué par la présence d’une forte base industrielle, y compris les anciens abattoirs (Matadero en espagnol) (2), aujourd’hui transformés en centre d’art et culture, avec un penchant pour les milieux contemporain et alternatif.

Plus au nord, le pont de Praga(5) maintient le passage de l’autoroute de Tolède (A 42) dans sa situation d’origine, avec néanmoins une nécessaire modification des bretelles d’accès, dont la longueur et la pente ont été accrues à cause du dénivellement de la chaussée de la rocade.

5- Puente de Praga

Plus au nord le Puente de Toledo (11), un temoignage du génie civil baroque, qui avant de l’enfouissement était conservé comme passerelle piétonne, garde cette condition mais se voit dégagé de la plupart des ponts additionnels des bretelles d’accès a la rocade, dont le tracé a changé.

10- Puente de Toledo


11- Puente de Toledo vu depuis le nord
La suivante étape est le stade de football Vicente Calderón (14), dont les colonnes avancent jusque au lit de la Manzanares. Faut d’une définition de solution pour le transfert du stade sur un autre site a cause de la complexité des négociations avec les propriétaires, le stade maintient sa configuration préalable, et reste le seul endroit du parcours ou les voitures ressortent a la surface (seulement sur la rive gauche) pour s’enfouir a nouveau plus au nord. A terme, l’enfouissement complet est prévu, sans date fixe.

14- Stade Santiago Calderón
Plus au nord, a la hauteur du Puente de Segovia (un autre pont historique remarquable) (19), une partie de la chaussée de l’ancienne rocade autoroutière en pont sur la rivière est récupérée. Ceci marque l’arrivée sur la zone la plus monumentale, ou le nouveau parc linéaire fait face au Palais Royal et le Campo del Moro, son jardin. L’enfouissement a permis d’améliorer énormément la qualité de cet espace urbain et de sa perception.


17- Ancien pont autoroutier integré au parc lineaire

18- Puente de Segovia

19- Puente de Segovia et Palais Royal

20- Amenagements au sud de Principe Pío


22- Enfouissement du tronçon initial de la A5

23- Nouvel aspect de l’ancienne coulée autoroutiere de la A5, aujourd’hui sous terre. Au fond le Palais Royal.