Reprenant comme point de départ l’article précèdent, relatif au texte sur l’avenir de l’emploi de Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne, on peut produire certaines idées. La livraison de paquets a domicile était l’une des taches que, jusque a présent, était supposée hors du champ des possibles substitutions par l’informatique, car la quantité d’imprévus qui peuvent se produire laissait croire qu’une personne serait nécessaire (moyennant un salaire pas très haut).
Il y a quelques mois Amazon, le marchand d’internet, a publié des vidéos sur un nouveau système de livraison ultra-rapide, Prime air, organisé avec des drones.
La vidéo montre une scène propre d’un contexte très américain : le drone décolle d’un centre logistique et livre le paquet en se posant sur la pelouse du pavillon du client. Dans un pays comme l’Espagne, ou la plupart des habitants vivent dans des appartements, ceci poserait pas mal de problèmes, et ce serait de même pour d’autres pays ou Amazon opère.
Prenant des drones existants avec un design apparemment similaire a ceux montrés sur la vidéo, comme le Parrot AR Drone, l’idée de livraison en une demi-heure semble limitée : le Parrot a une vitesse de croisière de 18 km/h. Admettons qu’Amazon utilise une vitesse double, 36 km/h, ce qui fait qu’en une demi-heure le rayon d’action soit limité a 18 km (sans prendre compte du temps de préparation de la commande). Ceci implique que si l’idée est sérieuse, soit Amazon multiplie ses centres logistiques (perdant un avantage précieux sur les marchands « conventionnels »), soit elle se limite aux zones les plus proches a ses 55 centres logistiques en Amérique du Nord (données de MWPVL international, avril 2014). Le problème est que ces centres sont sur des emplacements périphériques, donc la population accessible serait limitée. La carte suivante montre la localisation des deux centres logistiques d’Amazon sur le bassin de Los Angeles, San Bernardino (ouvert en 2012) et Moreno Valley (ouverture prévue en 2014), sur une carte des densités de population du recensement de 2010, avec le réseau de voirie et une grille de 18 km. L’idée de livraison dans la journée semble plus réaliste que la livraison en une demi-heure, et la probablement la route est plus compétitive que l’augmentation du nombre de centres logistiques. Au contraire, a Madrid la base d’Amazon est a San Fernando de Henares, a juste un peu plus de 18 km de la Puerta del Sol, le centre de la ville ; sur cette ville, plus dense, un seul centre pourrait desservir une proportion plus haute de la population métropolitaine… mais étant donnée qu’elle habite en grande partie en appartements, les drones auraient un problème.
La livraison par drone implique un autre inconvénient. Les régulations de l’aviation civile sont strictes en termes de servitudes pour le décollage et atterrissage des aéronefs, spécialement en termes géométriques, et aussi pour le contrôle des interférences électromagnétiques. Il est parfaitement possible que les centres logistiques d’Amazon puissent s’adapter a des conditions géométriques, avec des couloirs de décollage et atterrissage sans obstacles, ce qui de plus pourrait être plus simple en opérant des hélicoptères. En plus les deux centres de Los Angeles sont a coté d’aeroports. Mais comment savoir si l’adresse ou la livraison doit se produire est conforme avec ces règles ? arbres, poteaux, bâtiments, c’est un bon ensemble d’obstacles. Certes, aujourd’hui il y a des bonnes photos aériennes, mais ici le problème est autrement plus complexe : il faudrait avoir des cartographies tridimensionnelles mises a jour avec ces obstacles, et il faudrait savoir a quel point il y a une responsabilité légale du propriétaire d’une maison si en bâtissant une extension autorisée par les plans d’urbanisme il restreint l’accessibilité aérienne de son voisin, par exemple. Est-ce que ceci introduirait une plus grande complexité dans la régulation des volumes bâtis ?.
Penchons-nous a nouveau sur le problème : Que fait aujourd’hui un coursier ? il arrive dans un véhicule qu’il gare (comme il peut), descend, et utilise le trottoir pour arriver a la parcelle. Si le logement est individuel, il arrive a la porte de la clôture (ou a la porte, en son absence). S’il s’agit d’appartements, il entre dans un espace commun ; il peut emprunter un ascenseur ou un escalier, pour arriver a la porte. Difficile a faire avec un hélicoptère. Le plan d’Amazon serait plus proche de Valkyrie, le robot de la NASA ? a priori, ce serait plus faisable, surtout dans des villes denses, mais ça semble aussi plus loin dans le temps. En fait, le plan le plus logique (surtout dans des villes denses et pleines de bouchons…) serait d’avoir un robot qui marche… et qui court par l’autoroute, se faufilant entre les bouchons et se passant du problème du stationnement, tout en pouvant monter cinq étages d’escalier jusque a la porte d’un appartement. La question est de savoir si le cout serait vraiment plus réduit (strictement en termes économiques) que de payer une personne. Ceci ne toucherait pas tellement a la forme urbaine, mais impliquerait une approche différente au stationnement… et les commerces existants.